« On est en Inde, on ne pouvait délibérément pas t’éviter ! Si tu savais tout le bien qu’on dit de toi. Tu peux même te vanter de figurer parmi les 7 nouvelles merveilles du monde. Autant te dire qu’on a placé la barre assez haute. Levés à 5h30, on arrive presque les premiers dans la file d’attente. Il fait sombre, les rues sont à peine éclairées, les travailleurs du matin vaquent déjà à leurs occupations. Telle une star, tu ne te dévoiles que quand la lumière commence à t’éclairer. On patiente donc jusque 7h dans le froid, qu’est ce qu’on ne ferait pas pour toi… Et puis, les portes s’ouvrent. On a l’impression d’être au concert d’une grande rockstar. Nous, tes groupies, nous précipitons pour t’apercevoir les premiers. On passe une première porte, puis une deuxième et là tu apparais. On a la chair de poule. La magie opère. Il est difficile de décrire ce que l’on ressent quand on se retrouve face à toi, surtout que nous avons la chance de te contempler, pendant quelques minutes, en tête à tête. Une sorte de moment privilégié. Le temps est suspendu. Pudique, tu revêts ton habit de brume et tu ne te dévoiles que progressivement. Tu sais ménager tes effets ! On aperçoit d’abord ton dôme central et le haut de tes quatre minarets. Tu sembles flotter dans les airs. Plein d’excitation (« tu te rends compte qu’on est devant le Taj Mahal !! »), on longe les jardins et les fontaines pour t’admirer de plus près. Ta beauté ne doit pas nous faire oublier ta fonction : tu es avant tout un mausolée, construit par l’empereur moghol Shâh Jahân en mémoire de son épouse Arjumand Banû Begam, morte en donnant naissance à son quatorzième enfant. Sous ta coupole, tu abrites leurs cénotaphes. On te tourne autour, on t’admire sous toutes les coutures (même si tes quatre façades sont similaires). Tu n’en est pas intimidé, tu restes humble. La pureté du marbre blanc et tes formes arrondies projettent sur nous une sensation d’apaisement et de sécurité. Il est maintenant 8h, le concert a bel et bien commencé. Ton public est là, quelques centaines voire milliers de personnes. Tout le monde pose à tes côtés et c’est à celui qui trouvera le meilleur angle et la meilleure lumière (quitte à pousser un peu le voisin au passage !). Tu peux t’enorgueillir d’être entouré de deux belles mosquées identiques et de beaux jardins ; tout est parfaitement symétrique et propre, pour un indien tu n’es vraiment pas à plaindre ! Les heures passent et voilà bientôt arrivé le moment de la séparation. On a qu’une vie et on sait par avance qu’elle sera trop courte pour tout voir, alors au moment de te quitter on sent que ce n’est pas un au revoir mais un adieu. C’était un bonheur d’avoir fait ta connaissance. On passe maintenant le flambeau à d’autres voyageurs rêveurs… »
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